La loi de la gravité

Dom et Fred ont 14 ans. Chacun des deux hésite sur son genre. Qu’est-ce qu’être fille ou garçon ? Comment oser être qui on veut ? Comment soutenir le regard des autres ? Les deux adolescents vont tester ensemble les frontières de leur espace. Avec ce spectacle en forme d’ode à la différence et à la liberté, Cécile Backès poursuit son travail autour de l’intimité. Après Annie Ernaux, elle porte à la scène le texte franc et délicat de l’auteur québécois Olivier Sylvestre. Une pièce qui, à travers la question du genre, ouvre une réflexion plus large sur les normes dictées par notre société et sur la possibilité de s’inventer soi-même dans l’entre-deux, en-deçà d’une binarité imposée. Deux comédiens nous font entendre la force de cette écriture aux dialogues truffés d’humour, de complicité mais aussi de mots qui disent le malaise intérieur. Ce théâtre de parole est renforcé par la rythmique puissante d’une batterie. Celle-ci palpite comme le cœur de ces deux ados qui nous regardent avec intensité et nous invitent à défier avec eux les lois de la gravité.

Chambre 2

Dans le service maternité où elle travaille, Béatrice prend soin des corps mis à l’épreuve, des cœurs à vif, des âmes à reconstruire. D’une chambre à l’autre, elle reçoit de plein fouet ces histoires de femmes qui font écho à sa propre vie. Tout en suivant le rythme éreintant d’un hôpital à bout de souffle, elle va puiser la force d’un retour à soi et d’une renaissance. Catherine Vrignaud Cohen adapte le roman de Julie Bonnie au style haché et très sensuel, couronné en 2013 par le Prix du roman Fnac. Un récit choral sur la féminité, dont le fil rouge est le regard de Béatrice et le partage sensible de son monde intérieur. La metteure en scène réunit ces voix de femmes en une seule, dans un solo interprété par Anne Le Guernec. Entre puissance et vulnérabilité, la comédienne se dévoile, corps et voix, sur ce plateau nu qui l’enveloppe à la manière d’un cocon. L’écriture physique est comme une plongée dans l’immensité sensorielle de sa féminité. Un moment en état de grâce.

Nouvelles Pièces Courtes

Chez Philippe Decouflé, les chorégraphies sont habillées d’acrobaties, de costumes, de lumière, de musique live, de vidéo. Et les images qui foisonnent au plateau jouent malicieusement avec les règles de l’optique et la perception faussée des distances. De Vague Café à Nouvelles pièces courtes, en passant par Shazam!, le chorégraphe a signé depuis 1983 près de trente créations, et injecté son style inimitable sur les scènes du monde entier. On croise ici des corps désaccordés, des créatures siamoises, un ballet loufoque pour six paires de jambes, des parodies de music-hall, des impressions du Soleil Levant… La géométrie imprime ses formes partout : dans les costumes, les décors, les lignes et les volumes de la danse. Un spectacle débordant d’inventivité et de poésie, où la magie opère à chaque instant.

Borderline(s) Investigation #1

Peut-on stopper les pesticides, fongicides et autres machin-cides ? L’avenir de l’humanité a-t-il un lien avec l’extinction des vikings du Groenland en 1430 ? Quand l’ère de l’anthropocène prendra-t-elle fin? Quatre experts nous éclairent sur ces questions essentielles. Artiste et géographe, Frédéric Ferrer interroge les bouleversements du monde dans des spectacles mêlant réel et fiction, science et humour. Il nous propose ici un faux exposé sur les vraies limites de la croissance. Graphiques, images et vidéos d’actualité à l’appui, les interprètes ponctuent leurs analyses d’échappées poétiques et de jeux de rôles hilarants. L’absurde s’empare du plateau, sans jamais dénaturer la véracité du propos, ni basculer dans le pessimisme. Un tour de force qui fait de ce spectacle un divertissement nécessaire !

Gravité

Avec Gravité, Angelin Preljocaj défi e la pesanteur. Sur un plateau épuré habillé seulement de lumière, treize danseurs explorent avec virtuosité les notions de poids, masse, espace et vitesse. Concept à la fois abstrait et indubitablement concret pour les corps en mouvement, la gravitation ouvre au chorégraphe de nouveaux espaces d’écriture. De Bach à Daft Punk en passant par Philip Glass, les tableaux se succèdent, faisant alterner unissons puissants et pas de deux revisités. Dans sa nouvelle création, Preljocaj détourne en effet le vocabulaire classique, composant une pièce fascinante en forme de kaléidoscope vivant. Clou du spectacle, le tableau final offre une vision nouvelle et inattendue d’une des compositions les plus visitées de l’histoire de la danse : le Boléro de Ravel.

La Chute des anges

Ils sont sept, pris au piège d’un environnement absurde. Des humains en proie à leur propre mécanicité ? Des anges aux ailes brisées cherchant à retrouver l’état de grâce ? Avec le sourire ou le cœur serré, on les regarde s’élancer, chuter, essayer d’être ensemble, tenter de s’élever vers le ciel, vers la transcendance. Raphaëlle Boitel nous a enchantés en 2017 avec 5es Hurlants, spectacle où elle s’interrogeait sur l’équilibre. Elle nous invite ici à une réflexion profonde sur notre civilisation, sur ce qui nous unit ou nous sépare, et sur notre capacité à changer les choses. Elle y développe un langage chorégraphique virtuose, porté par des interprètes à la fois acrobates, danseurs, mimes, comédiens. L’écriture de la lumière, tout en contraste, déploie au plateau la puissance des grandes œuvres picturales.

Le Pays de Rien

Imaginez un pays où rien n’existe : ni les chats, ni les rires, ni l’imaginaire, ni la couleur. Imaginez que dans ce pays, un homme règne en s’acharnant à supprimer toute trace d’amour et de poésie. Imaginez que la fille de ce roi ait l’intuition que la vie pourrait être autrement… L’arrivée d’un étranger ouvrira bientôt une brèche dans ce royaume froid et vide. Ce vent de révolte aura la puissance de la douceur, mais pourra-t-il faire tomber les murs du silence ? Dans ce conte philosophique, Nathalie Papin nous invite à nous interroger de façon sensible et critique sur notre drôle de monde. Elle nous pose la question du choix et de la liberté. Par son travail du son et de la lumière, la metteure en scène Betty Heurtebise habille ce récit avec subtilité, rendant perceptibles les désirs et les émotions des personnages.

Portrait de Raoul

Qu’est-ce qu’on entend derrière une porte entrouverte ?
Engagé comme costumier à la Comédie-Française, il finit par donner la réplique à Catherine Hiegel sur scène. Et c’est Copi, en lui offrant un jour une perruque blonde, qui va révéler l’actrice qui sommeille en lui… La vie de Raoul Fernandez est ainsi remplie d’histoires étonnantes, dignes d’un roman. Comment ce jeune homme passionné de couture, fraîchement débarqué du Salvador, va devenir comédien et travailler sous la direction des plus grands ? De fil en aiguille, il nous raconte son passage de l’ombre à la lumière. Les mots de Philippe Minyana et la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo enveloppent avec délicatesse les extravagances de Raoul. Entrant sous les projecteurs les bras chargés de tissus, l’acteur les dépose et les déroule au sol au fil de ses confidences, nimbant le plateau de sa présence flamboyante.

Monstres on ne danse pas pour rien

À la fin de l’année 2015, DeLaVallet Bidiefono inaugurait le centre chorégraphique qu’il venait de fonder dans la périphérie de Brazzaville, bâtissant ainsi un lieu indépendant chargé d’espoir. Entouré de sept danseurs, de trois musiciens et d’une performeuse, il évoque dans Monstres la construction de ce lieu. Sur le plateau, le rythme entêtant de la guitare, de la basse, des percussions et du chant rencontre un texte puissant et la danse endiablée des interprètes, qui semblent pris dans un tourbillon d’énergie à faire exploser tous les cadres. Insoumis et déterminés, les corps portent l’élan vital de la rage et de la révolte. Car édifier un lieu dédié à la danse, évidemment, c’est croire que l’art peut un peu changer le monde, c’est se projeter vers l’à venir.

Gus

Gus, le chat, est un drôle de héros perdu entre colère et mélancolie, entre l’envie de se faire câliner et celle de donner des coups de griffes. Quand Sébastien Barrier l’a rencontré, il a eu envie de lui dédier son quatrième spectacle, en s’adressant pour la première fois aux enfants. En mots, en images et en musique, il compose une cartographie sensible de Gus : une performance d’équilibriste où se télescopent les accords de rock, les salves d’humour mordant, de tendres poèmes d’amour et des digressions loufoques. Traversés de sensations félines, de fous-rires et de questions sur la vie, on voit doucement s’estomper les frontières entre l’humain et l’animal, et l’on ressort conquis. Si Dieu a inventé le chat pour que l’homme ait un tigre à caresser, Gus nous a appris à aimer et libérer notre tigre intérieur.