Gus

Gus, le chat, est un drôle de héros perdu entre colère et mélancolie, entre l’envie de se faire câliner et celle de donner des coups de griffes. Quand Sébastien Barrier l’a rencontré, il a eu envie de lui dédier son quatrième spectacle, en s’adressant pour la première fois aux enfants. En mots, en images et en musique, il compose une cartographie sensible de Gus : une performance d’équilibriste où se télescopent les accords de rock, les salves d’humour mordant, de tendres poèmes d’amour et des digressions loufoques. Traversés de sensations félines, de fous-rires et de questions sur la vie, on voit doucement s’estomper les frontières entre l’humain et l’animal, et l’on ressort conquis. Si Dieu a inventé le chat pour que l’homme ait un tigre à caresser, Gus nous a appris à aimer et libérer notre tigre intérieur.

C’est une légende

Comment la danse vient-elle bousculer son époque ? Quels échos résonnent encore aujourd’hui de ces éclats de
modernité? Le chorégraphe Raphaël Cottin nous donne à voir
et à entendre une histoire de la danse, sous la forme d’un conte structuré en six chapitres. On traverse les époques, de l’académisme sous Louis XIV à la théâtralité de Pina Bausch, en passant par l’abstraction d’Alwin Nikolaïs. Dans une scénographie modulable faite d’élastiques, d’un cube noir et d’un cyclo blanc, les deux danseurs évoluent sur la scène qui devient piédestal, lignes abstraites, jardin, pièce imaginaire ou bain de couleurs… Raconté par la voix d’une comédienne, ce «livre de la danse» nous enseigne joyeusement que la poésie du mouvement et l’autonomie du corps sont liées à celles de la pensée !

Romance

Jour après jour, sur le chemin qui nous mène de l’école à la maison, notre regard s’ouvre sur le monde. Jour après jour, au fil de notre imagination, le quotidien bascule dans la grande aventure. On rencontre un Inconnu au grand cœur, un Oiseau, un Farfadet, une Reine, une Sorcière… Un sort est jeté et le monde se renverse ! Déjouant alors mille embûches, il faudra coûte que coûte retrouver le chemin de la maison pour que le jour puisse à nouveau se lever. En adaptant Romance, l’imagier étonnant et inventif de Blexbolex (Pépite d’or du salon de Montreuil 2017), La SoupeCie déploie avec effervescence un vaste univers de machineries, d’images découpées et projetées, de marionnettes et de trouvailles visuelles. Mêlant la sensibilité et l’éclat, les sons et la musique portent cet extravagant récit de péripéties en péripéties.

Penthésilée

Penthésilée, jeune reine des Amazones nouvellement couronnée, est follement éprise d’Achille, jeune héros grec. Cet amour – qui est réciproque – est cependant conditionné par la nécessité de conquérir l’être aimé sur le champ de bataille. Achille accepte par conséquent de se faire passer pour prisonnier de Penthésilée, alors qu’en réalité elle est sa captive. Mais le subterfuge, loin d’apaiser les craintes de la reine, va déchaîner sa fureur… Sylvain Maurice adapte le chef-d’œuvre de Kleist et offre un rôle magistral à Agnès Sourdillon. Il a imaginé une représentation qui joue librement avec les formes, passant du récit épique à la situation intimiste, du chant amoureux à la musique guerrière, dans la continuité de son travail pour Réparer les vivants. Dans une mise en scène épurée reliant théâtre et musique, l’interprète magnétique de Valère Novarina incarne cette héroïne puissante qui tente de se dégager d’un héritage trop lourd. Entourée de quatre chanteuses et deux musiciens, elle porte la passion à incandescence.

Bérénice

Par amour pour Titus, Bérénice fait le choix d’abandonner les siens, sa patrie, sa religion. Mais le peuple romain, qui désapprouve l’union de leur empereur avec une étrangère, pousse Titus à répudier celle qu’il aime… Racine atteint le sommet de son art dans cette tragédie, l’une des plus belles du théâtre. Traversée de vers incandescents, elle brille dans le répertoire par sa fin singulière : l’héroïne, qui a pourtant tout perdu, n’est pas contrainte de renoncer à la vie. Marguerite Duras imaginait même le retour de Bérénice en Galilée, dans son court-métrage de 1979, Césarée. La mise en scène de Célie Pauthe ravive chaque instant de ce chef-d’œuvre ; elle nous en fait éprouver l’intensité des phrases, le rythme des respirations. Et elle parvient avec grâce à y faire entrer, en contrepoint, les mots et les images de Duras.

La Vrille du chat

On dit que les chats retombent toujours sur leurs pattes et qu’ils ont neuf vies. Car le chat, toujours, échappe au danger. Dans La Vrille du chat, cinq artistes circassiens agiles comme des félins revisitent l’art de l’acrobatie. Sous l’œil avisé d’un matou noir énigmatique, ils évoluent dans un décor ingénieux et protéiforme. À partir de situations ancrées dans le quotidien, ils composent un thème narratif et le déclinent à l’infini, usant avec humour et virtuosité du ralenti, de l’accélération, du stop motion ou encore de la marche arrière. Ils ont quelque chose de Tati et de Buster Keaton, ces acrobates formés à Bruxelles, Montréal et San Francisco, avec leurs corps muets et paradoxalement si éloquents. Complices de longue date, leur joie d’être ensemble se propage en plaisir contagieux.

[3aklin] Jacqueline Ecrit d’Art brut

Ils s’appellent Annette, Jacqueline, Jules, Sacha… Leurs textes témoignent d’un même besoin vital de s’exprimer, en dehors de toute tradition et norme esthétique. De leurs jaillissements spontanés et inventifs, qui interloquent autant qu’ils enchantent, Olivier Martin-Salvan puise la matière d’un spectacle théâtral réjouissant. Il fait entrer en résonance ces textes étranges, souvent drôles, parfois visionnaires, toujours profonds. Poussant son jeu et son corps dans leurs retranchements, il offre une performance à la limite de la transe, ponctuée par les chants et paysages sonores de Philippe Foch. Leur duo nous emplit de ces voix marginales, inconnues de la littérature et pourtant essentielles, comme un éblouissement, une poésie brute qui nous habitera longtemps.

La Tortue de Gauguin

Luc Amoros a entendu dire que lors de l’un de ses séjours aux Marquises, Paul Gauguin eut l’idée de peindre à même la carapace d’une jeune tortue vivante, égarée sur une plage. Il s’est plu à penser que grâce à la longévité dont jouit cette espèce, une œuvre du peintre continue, aujourd’hui encore, de sillonner les grands fonds dans son petit musée ambulant… Dans La Tortue de Gauguin, un musicien et une récitante occupent le premier niveau d’une impressionnante structure métallique et, aux étages supérieurs, six peintres s’activent derrière des toiles transparentes. Chacune des toiles ne représente qu’une partie de la grande image offerte, et c’est sans jamais rien voir du travail de ses pairs que chaque peintre contribue à l’œuvre collective. Ce ballet monumental est un bouillonnement de sons et de couleurs.

Le Retour d’Ulysse

Seule à Ithaque, Pénélope se lasse d’attendre Ulysse, au désespoir de son serviteur Albinus, chargé de veiller sur sa vertu. Lorsqu’un prétendant, Coqsigru, lui fait croire que son époux est mort, elle chavire… Le Palazzetto Bru Zane met au jour une œuvre d’Hervé, compositeur qui inventa l’opérette avant que son ami Offenbach n’en devienne l’ambassadeur vedette. Constance Larrieu habille ses chansons à l’humour ciselé d’un décor aux couleurs pop et d’une mise en scène mixant ingénieusement mythologie et références actuelles. Les cinq interprètes, emmenés par un pétulant trio de chanteurs lyriques, excellent avec une précision métrono-mique dans la gestion du tempo musical et du timing des effets comiques. Un moment jubilatoire qui ravira les spécialistes de l’opéra-bouffe, les amateurs de vaudeville et les amoureux de pépites musicales.

Alors Carcasse

Mais qui est donc Carcasse, personnage aussi fragile qu’obstiné ? Il se tient debout sur un seuil qu’il voudrait franchir et ne sait pas comment. Avide d’humanité, riche de désirs, de craintes et de refus, il nous ressemble étrangement… Reliant théâtre, marionnettes et arts plastiques, Bérangère Vantusso s’empare de la langue douce et intense de Mariette Navarro, récompensée en 2012 par le Prix Robert-Walser. Manipulant une série de tiges de bois, les interprètes traversent le texte à la manière des récitants du théâtre de marionnettes japonais. Par traits et mouvements successifs, ils produisent des images fugaces de ce héros, distillant sa présence sans l’incarner. Tour à tour personnage, décor, sentiment, vision intérieure : Carcasse nous échappe pour mieux nous saisir, de sa voix singulière et inspirante.