À la vie !

Disons-le sans ambages, dans À la vie ! il sera question de mort. N’est-ce pas le point commun qui réunit toute l’humanité, le rapport à la fin ? Le plateau de théâtre pour conjurer le sort, affronter ses démons pour mieux goûter la vie. Lehaïm !

La même équipe que pour Saint-Félix traversera ce nouvel opus construit en trois temps, trois lieux : le théâtre, l’hôpital et l’Assemblée nationale. Jouer à mourir ou visiter la grande galerie des morts illustres sur scène, quoi de plus jouissif ? Et si l’on poussait l’enquête à l’hôpital pour être au plus près de ceux qui sont « near death » ? La mort est-elle une affaire de décision personnelle ? Qui choisit le moment du grand saut ? Que signifie « c’est fini » ? Toutes ces questions qui nous dépassent sont rebattues chaque jour dans les couloirs des soins intensifs par les médecins, les familles et les patients. Elles sont reprises, dans toute leur complexité, par le centre d’éthique clinique qui a beaucoup inspiré le spectacle. Elles agitent aussi les débats des parlementaires. Au croisement du politique et de l’intime, la mort nous entraîne sur la voie passionnante du doute mais aussi de récits profondément humains. Plongée dans l’arène socratique.

La Faute

En février 2010, la tempête Xynthia s’abat sur les côtes vendéennes un jour de grande marée. Dans le lotissement pavillonnaire de La Faute-sur-Mer submergé par l’océan, 29 personnes périssent. Tandis que les survivants pleurent leurs proches et que l’État prépare la reconstruction, certains sinistrés s’organisent en association et commencent à douter : pourquoi des pavillons ont-ils été construits à cet endroit-là, sous le niveau de la mer ?

La pièce de François Hien, qu’il a écrite à la demande des metteurs en scène Angélique Clairand et Éric Massé, s’offre la liberté de la fiction pour explorer les multiples questions soulevées par cette catastrophe. Construite à la manière d’un polar, elle dépasse le cadre d’une enquête conduisant à incriminer les responsables de l’urbanisation du littoral, pour mieux s’attacher à décrire notre comédie humaine, aux prises avec ses contradictions, ses ambiguïtés, son cynisme. Six comédiens, incarnant une dizaine de personnages – sinistrés, élus, avocate ou promoteur – portent ce récit choral d’une densité et d’une intensité rares.

L’Enfant inouï

Seul à la maison pendant que ses parents travaillent, Henri s’adonne à son loisir favori : les livres. Sauf qu’il ne les lit pas, mais les mange. Doté d’un appétit insatiable, le garçon dévore bientôt des bibliothèques, développe un pouvoir inouï… et tombe malade.

Sylvain Maurice s’associe au compositeur Laurent Cuniot pour emmener les enfants vers le plaisir de l’opéra. Henri et les adultes qui l’entourent prennent corps dans le timbre léger et saisissant de la chanteuse lyrique Raphaële Kennedy. La flûte, la clarinette et les percussions rythment les péripéties et restituent, au-delà des mots, les dimensions poétiques et ludiques du récit. La vidéo offre, quant à elle, des prolongements visuels étranges et fantastiques à cette fable où l’arbre succulent des livres nous dévoile la forêt nourrissante de la connaissance.

Féminines

Saviez-vous que la première Coupe du monde de football féminin eut lieu en 1968 à Taipei et qu’elle fut remportée par l’équipe de France ? Au départ de cette aventure, l’organisation d’un match pour la kermesse du journal de Reims L’Union. Comme une blague… Pourtant, onze femmes vont alors monter sur le terrain, un entraîneur se prendra à leur jeu et une équipe mythique naîtra.

Poursuivant son travail autour de l’identité et de la transformation, Pauline Bureau raconte les trajectoires de sept femmes, pour qui l’apprentissage du ballon rond va devenir une source d’émancipation et de libération personnelle. De leur foyer jusqu’aux vestiaires, de Reims à Taipei, on les suit dans cette ascension irrésistible, galvanisées par un coach maladroit et bienveillant qui apprend son métier en même temps qu’elles. Un spectacle dont on ressort avec l’envie d’élargir ses rêves et de tout oser pour redonner du sens à sa vie !

Ce spectacle a été récompensé par le Molière de l’auteur·trice francophone vivant·e pour la metteuse en scène Pauline Bureau en 2022.

Phèdre !

Initialement joué en salle de classe devant des lycéens, Phèdre ! a été pensé comme un « cheval de Troie » : à partir de la pièce de Racine inscrite au programme, créer une forme théâtrale contemporaine propice à installer un rapport décomplexé et joyeux avec l’œuvre. Une invitation réjouissante qui a valu à cette « conférence-spectacle » écrite par François Gremaud de se poser également dans les théâtres devant des publics de tous âges, férus d’art classique ou profanes.

Romain Daroles, en « conférencier » enflammé, nous raconte la tragédie tout en la commentant pour nous en faire goûter l’immense richesse. Rien n’est oublié, des origines mythologiques de Phèdre (petite-fille du Soleil et demi-soeur du Minotaure) à la force de l’amour qu’elle porte à son beau-fils Hippolyte, en passant par la merveilleuse langue de Racine. Emporté par l’admiration sans bornes qu’il porte au texte, il finira par en interpréter les personnages, réveillant notre imaginaire par la seule force de sa parole, de ses gestes, et du livre qui lui sert d’accessoire de jeu. Sa performance, drôle et passionnante, retourne à l’essence du théâtre pour distiller une joie essentielle !

Songe à la douceur

Tatiana croise Eugène dans le métro et reconnaît tout de suite celui dont elle tomba amoureuse l’été de ses 14 ans. Sa sœur Olga fi lait alors le parfait amour avec le romantique Lensky. Dix ans plus tard, le hasard de cette rencontre fait resurgir le passé : l’amour, l’amitié, le désir, le deuil… et l’occasion de saisir une seconde chance. Justine Heynemann porte à la scène le roman à succès de Clémentine Beauvais, adaptation contemporaine d’Eugène Onéguine de Pouchkine. Elle a l’idée lumineuse d’en faire une comédie musicale, tout comme Tchaïkovski le transposa jadis en opéra. Si Manuel Peskine fait des emprunts assumés au compositeur russe, il signe une partition résolument pop-rock et électro, ponctuée de chansons très efficaces parolées par l’autrice. À ses côtés, les quatre interprètes jouent, chantent et s’accompagnent à la batterie, au piano et à la guitare. Rachel Arditi incarne, quant à elle, la narratrice et les voix intérieures des deux héros, commentant avec ironie leurs hésitations amoureuses et les incitant à se reconnecter à leurs vrais désirs. Car ce spectacle nous souffle qu’il n’est jamais trop tard : ni pour retrouver les délices de son adolescence ni pour corriger les erreurs du passé.

One Shot

Co-directeur du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne au sein du collectif FAIR-E et figure majeure de la scène danse française et internationale, Ousmane Sy, dit « Babson », nous a quittés en décembre 2020. Présenté pour la première fois en janvier 2021 lors du festival Suresnes Cités Danse, ce spectacle restera malheureusement sa dernière création.

Pour One Shot, il rassemble sur scène cinq danseuses du groupe exclusivement féminin Paradox-Sal, dont il est à l’origine, et trois invitées aux univers chorégraphiques variés tels que le flamenco, le locking ou encore le popping. Sur des rythmes d’afrobeat et de house dance irradiés de voix féminines, parmi lesquelles celle de Nina Simone, les danseuses font corps avec une intensité urgente, nerveuse. Une confrontation des styles jouissive, qui exprime le besoin vital, irrépressible et heureux de danser, quelle que soit la technique privilégiée. Plus qu’un spectacle hip-hop, une véritable performance qui laisse la part belle aux prouesses individuelles des danseuses, mais traduit aussi la force du collectif. On en sort galvanisés !

Les Gardiennes

Victoria, radiologue à l’hôpital, mène une vie sous tension entre la garde alternée de ses deux enfants, son travail et les visites chez sa mère, Rose, âgée de 80 ans. Lorsqu’elle annonce avoir trouvé une place en EHPAD pour celle-ci et vouloir vendre son appartement, les voisines de Rose font bloc autour d’elle, décidées à faire échouer le projet.

Nasser Djemaï a l’art de nous plonger dans les petites choses du quotidien pour mieux éclairer avec subtilité ce que l’on ne voit pas. Ici, c’est tout un écosystème de survie que quatre femmes, à la fois gardiennes, veilleuses et résistantes, vont s’employer à sauver de la destruction. Faire les courses, le ménage, résister au froid et aux canicules, tromper l’ennui : les stratégies et débrouillardises des amies de Rose témoignent des vestiges d’un monde révolu qui a vu arriver avec stupeur et incompréhension le néolibéralisme et la religion du tout-consommable et du tout-jetable. Pour représenter le conflit entre cette génération et celle de Victoria, que tout oppose, l’auteur et metteur en scène invite le fantastique dans sa fable et nous offre un conte à la fois humaniste, social et politique qui nous pousse à repenser nos imaginaires collectifs.

Ma p’tite chanson

Agathe Peyrat et Pierre Cussac sont habitués à fouler les scènes d’opéra et les festivals de jazz. Mais leur solide formation musicale, alliée à un amour démesuré pour toutes les musiques, leur ouvre l’appétit et d’autres portes insoupçonnées. Dans ce concert dédié à la chanson, ils font éclater le carcan des esthétiques. Comme on déplierait un livre animé, ils composent un programme allant de Bourvil à Tom Waits, de Purcell au lauréat portugais de l’Eurovision 2017, en passant par des tubes incontournables signés Sia (Chandelier), les Beatles (Yesterday) ou Liza Minelli (Cabaret). Un mariage, improbable au premier abord, qui se révèle être une heureuse rencontre, une fois passée entre leurs mains talentueuses d’adaptateurs et d’interprètes. Agathe Peyrat – héroïne solaire de La Vallée de l’étonnement, créé en 2021 – glisse sa voix de soprano là où ne l’attend pas, et Pierre Cussac trace des chemins buissonniers entre tango, classique et pop, tandis que le ukulélé et l’accordéon se plaisent à dialoguer, se prenant pour un orchestre… dans une coquille d’œuf. Un spectacle aux allures de soir de gala, plein de subtilité, d’humour, mêlant des artistes qui n’auraient jamais dû se rencontrer !

Le Petit Chaperon rouge

C’est l’un des premiers contes lus aux enfants : une histoire au charme si envoûtant que des générations ont grandi avec elle ! Parmi ses multiples versions, le collectif Das Plateau s’empare ici de celle, puissante, positive et féministe des Frères Grimm. On y découvre une petite fi lle qui se promène joyeusement dans les bois, prend plaisir à faire un bouquet pour sa grand-mère, sans crainte. Ni imprudente ni naïve, mais au contraire vaillante, traversant les dangers et retournant le sort…

Pour jouer avec les mystères et les secrets, la lumière et l’ombre, le familier et le merveilleux, une habile orchestration de différents médias entre en jeu : images projetées, dispositifs optiques (diorama, techniques holographiques, vitres et miroirs sans tain), musiques et ambiances sonores nous plongent au cœur de surprenants tableaux-paysages. Un spectacle dont l’intensité visuelle, scénographique et sonore ouvre des paysages sensibles et inédits, à la fois légendaires et quotidiens, intrigants et rassérénants. Un spectacle d’aujourd’hui, pour les enfants de maintenant.