Comme vider la mer avec une cuiller

Au pied d’un tableau, un homme se retourne vers nous et commence : « Ce n’est pas parce qu’on regarde tous la même chose, qu’on se raconte la même histoire ». Nous voilà lancés dans le récit de ce conteur de génie qu’est Yannick Jaulin. On plonge avec lui dans les histoires millénaires qui fondent notre héritage. Incarnant avec verve et un sens aigu du comique les personnages bibliques, il met Moïse, Lilith, Jésus, la reine de Saba… tous dans le même bateau !

Ce magicien des mots remonte à la source, à l’origine des histoires, pérégrine dans le sacré et ses Livres. Il touille avec sa cuiller la matrice des récits du monde, et délaie le buisson ardent des croyances embobinées. Accompagné par une violoniste, il transforme cette glaise brûlante en un long éclat de rire. Un sacré spectacle !

Tu, El Cielo Y Tu

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Quatre couples se rencontrent et dansent sur toute la palette des sentiments. Ici, ce n’est pas une histoire qui se raconte, mais des histoires. Danser avec amour, tendresse, désir, passion, avec indifférence, le cœur déjà ailleurs ou rongé par la jalousie. Le vocabulaire du tango se mêle  à la gestuelle contemporaine pour rendre visible dans les corps cette jungle des sentiments.

Si le tango fait partie de ces danses de couple qui racontent forcément une histoire d’amour, celui de Catherine Berbessou n’échappe pas à la règle. Histoire d’amour entre une danseuse contemporaine et un pays, l’Argentine, où elle étudie avec les plus grands. Elle offre un tango ardent, intense, qui nous jette au visage les   fragments d’un discours amoureux.

La Princesse de Clèves

Seul en scène, un homme en costume de cour du XVIIe siècle raconte la passion malheureuse de la Princesse de Clèves pour le Duc de Nemours. Cet homme, c’est Marcel Bozonnet. Le comédien et metteur en scène, ancien administrateur de la Comédie française, est tombé amoureux de l’œuvre de Madame de La Fayette il y a plus de vingt ans. Depuis, chaque année ou presque, il remonte sur scène avec ce menuet raffiné où valsent les amours platoniques, les passions secrètes, la jalousie, la vertu et la mort.

Avec une parfaite maîtrise de jeu et un timbre racé qui conviennent à la syntaxe de l’époque, il fait entendre la langue subtile et claire du roman. À ce style, qu’un ancien président avait jugé élitiste et poussiéreux, Marcel Bozonnet rend ici le plus beau des hommages.

Bigre

Perchées sous les toits, trois minuscules chambres de bonne avec toilettes sur le palier. Voilà le nid de deux gars et une fille. Un Laurel, un Hardy et une Betty Boop ! Voisins de gouttière, ces trois-là dessinent à mains et pieds levés un triangle amoureux à géométrie variable. Avec eux, impossible de s’ennuyer ! Ces hurluberlus affrontent ensemble la vie qui n’en finit plus  de déraper, de grincer, de trébucher… Un pour tous, tous pour un, mais chacun chez soi !

Ce spectacle de la vie est délicieusement ponctué par des tubes revisités. Histoire (sans paroles) de mettre tout le monde sens dessus dessous, cette fresque citadine raconte par l’absurde la fragile beauté de notre profonde solitude. Un mélo burlesque, trivial et bigrement drôle !

Cali

Seul, au piano ou à la guitare, nous découvrons un Cali solaire, qui n’hésite pas à se dévoiler, en mots, en musique, en confidences, avec une puissance nouvelle, celle d’un homme ébloui par la vie. Imperméable à la sinistrose, le chanteur nous embarque dans un voyage retraçant tous les âges heureux de l’existence.

« Raconter une vie. Désosser des chansons, peut-être connues, ou plus confidentielles et puis d’autres chansons, encore, plein d’autres, des nouvelles, qui arrivent, offertes pour la première fois. Raconter, se raconter, seul, voilà l’histoire. En fait tout se résume au désir de vivre à jamais. » Cali

J’ai trop peur

La Sixième, c’est l’horreur absolue ! Tout le monde le sait. De quoi gâcher les grandes vacances de notre héros de dix ans et demi. Sa mère a la bonne idée de lui présenter Francis qui, à quatorze ans, a déjà fait le grand saut. Sauf qu’au lieu de dédramatiser, celui-ci en rajoute des tonnes. Tout cela sous l’œil de la petite sœur de deux ans et demi qui, elle aussi, a son mot à dire.

David Lescot fait la part belle au langage et à l’imagination. Sur scène, trois comédiennes époustouflantes jouent tous les rôles : le futur collégien rongé par l’angoisse, le grand de quatorze ans qui a tout-vu-tout-compris, la petite sœur au babillage sans queue ni tête, les mouettes, les enfants sur la plage… Un spectacle où les parents rient autant que les enfants des peurs qui sont les nôtres.

Rouge

Dans une scénographie architecturée, sept interprètes masculins, tous virtuoses de breakdance, expriment les passions contrastées que le rouge leur inspire. L’écriture chorégraphique mixe habilement danse contemporaine, danse-contact et hip-hop pour créer une danse graphique qui démultiplie les trajectoires et entraîne le genre vers des terres nouvelles.

Mickaël Le Mer découvre la seconde vague du hip-hop au début des années 90. Il assume une écriture exigeante qui prend appui sur l’expérience personnelle des danseurs. Le résultat est marqué d’une sensibilité à la fois poétique et urbaine, tout en développant une grande maîtrise de l’espace scénique. Loin des figures imposées du battle, il compose une belle expérience sensorielle.

Rencontre-débat

L’Argent, une formidable invention ?

À l’occasion de Mon fric, nous invitons Thierry Pech qui, après s’être interrogé sur Le Crépuscule des élites en 2016, nous parlera cette fois d’argent. Perversion et creuset des inégalités pour les uns, marqueur de la réussite individuelle pour les autres, l’argent est un sujet ambigüe, il divise, rend fou et rend faux mettant un prix sur tout, y compris sur ce qui n’en a pas, tout autant qu’il crée un système de valeurs plus ou moins communément partagé. Suffit-il de s’imaginer comment fonctionnerait un monde sans argent. Thierry Pech nous accompagnera dans cet échange et cette réflexion à la lumière de son précédent essai, Le Temps des riches – Anatomie d’une sécession et de son nouveau livre Insoumissions, portrait de la France qui vient.

L’Après-midi d’un foehn

Dans un espace circulaire propice à l’intimité, se font entendre les premières mesures du Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy… Alors, le vent se lève, emportant avec lui un amas de petits sacs plastiques endormis. Comme par magie, ces marionnettes sans fil, légères comme les nuages, s’envolent, tournoient, s’épanouissent dans l’espace en mille variations.

Dans le cercle de cette piste aux étoiles, une sorte de prêtresse du vent officie : elle accouche les formes et les couleurs, les accueille sur son épaule comme des oiseaux, accompagne leur combat. Phia Ménard qui, depuis près de vingt ans, jongle avec l’injonglable, se confie ici au vent. Elle nous emmène dans une danse joyeuse et hypnotique.

Vortex

Au centre d’un petit cirque, se joue le drame sans parole d’un être en pleine mutation. Sous combien de couches nous couvrons-nous pour paraître au monde ? Comment échapper à l’emprise des artifices pour laisser paraître ce que nous sommes ? Un être mystérieux va progressivement se dévoiler, se dépouiller des membranes successives qui le recouvrent, des formes vont s’élever dans les airs et s’animer comme on l’a rarement vu.

L’exploration des matières instables et éphémères est la spécialité de Phia Ménard. Elle nous invite à une danse aussi sublime qu’éphémère contre les vents. C’est beau, déroutant, à la fois sublime et glaçant… Une expérience aux frontières du rêve et du réel. Un spectacle qui atteint une rare intensité.