Jazz Partage #02

Rêver sur les harmonies du jazz, puiser dans l’infinie richesse des musiques traditionnelles du Moyen-Orient, exulter avec l’énergie du rock : telle est la recette de Sarāb. Ce jeune groupe, dont le nom signifie « mirage » en arabe, a pour voix lead la chanteuse d’origine syrienne Climène Zarkan. Entourée de cinq musiciens aux influences multiples, elle fusionne dans une transe réjouissante les mélodies des poètes arabes et les textures sonores du jazz contemporain. Macha Gharibian, vocaliste habitée, nous plongera ensuite dans les couleurs profondes et aériennes de son troisième album. Des paysages sonores entêtants où s’entremêlent la tradition arménienne, le jazz, la soul et la pop. Elle livre ses tourments et exaltations, dans les nuances feutrées et déchirantes d’une voix qui capture toutes les émotions. Autour de ses claviers acoustique et électrique, la compositrice s’adjoint une section rythmique ensorcelante : Dré Pallemaerts à la batterie et Chris Jennings à la contrebasse.

Stallone

Un soir, Lise découvre Rocky 3, L’Œil du tigre de et avec Sylvester Stallone. L’histoire de ce boxeur, qui redevient champion du monde après s’être laissé aller, invite Lise à se ressaisir. À 25 ans, elle reprend ses études de médecine, quitte son ami et rompt avec sa famille. La nouvelle Stallone d’Emmanuèle Bernheim est le récit fulgurant de cette pulsion de vie retrouvée, sur fond de culture populaire des années 1980. Cinéaste et metteur en scène, Fabien Gorgeart adapte ce texte en tissant un lien inattendu entre littérature, cinéma et théâtre. Clotilde Hesme – la romantique Sylvia du Jeu de l’amour et du hasard, accueilli en 2019 – livre une performance à couper le souffle dans le rôle de cette héroïne attachante qui réinvente son existence sur le riff entêtant de la bande originale de Rocky. En complicité avec le comédien et musicien Pascal Sangla, elle parvient à restituer l’intensité d’une vie, rythmée de tous ces détails et basculements infimes qui finissent par forger un destin.

Les Fouberies de Scapin

Les Fourberies de Scapin met en scène deux jeunes gens qui doivent braver l’autorité de leurs pères pour pouvoir épouser celles qu’ils aiment. Ils triompheront grâce à Scapin, un valet rusé prêt à inventer les stratagèmes les plus invraisemblables pour les aider. Fantaisiste, fougueuse, féroce : cette farce porte en elle une énergie explosive dont Tigran Mekhitarian préserve la sève et l’esprit, tout en y injectant les mots, l’humour et les préoccupations de la jeunesse contemporaine. Autour d’un Scapin charismatique dans son blouson noir, la bande de jeunes évolue dans un squat, à la fois refuge, lieu d’errance et des premiers émois amoureux. Les dialogues du texte original sont ponctués d’apartés, d’improvisations et de morceaux de rap interprétés en direct. Avec beaucoup de liberté et une pointe d’insolence, le metteur en scène incorpore la verve et l’argot d’aujourd’hui à la prose de Molière et fait* des détours par les pensées intérieures des personnages. Les neuf comédiens, tous épatants, portent au pas de charge cette version décomplexée et généreuse.

Jazz partage #01

On se laissera d’abord aspirer vers les Nouveaux Mondes de Samuel Strouk, terres de rencontre du jazz et de la musique « classique », de la syncope et du rubato. Le compositeur-interprète, qui réunit sur scène un quatuor à cordes et un trio guitare-basse-batterie, nous propose une expérience inédite où la sensation d’une musique symphonique côtoie la puissance d’une section rythmique propre au jazz. Un dialogue captivant à la croisée des chemins, entre écriture et improvisation. Théo Ceccaldi, l’un des solistes les plus demandés de la scène européenne, glissera ensuite son violon dans l’ombre immense de Django Reinhardt. Il lui offre un hommage amoureusement resongé et réinventé, dans une orchestration doucement déviante par rapport aux canons de la tradition : violon, guitare amplifiée et violoncelle. Entre compositions originales « sous influences » et grands classiques du génial guitariste manouche, son trio clora la soirée dans une liberté électrisante.

La loi de la gravité

Dom et Fred ont 14 ans. Chacun des deux hésite sur son genre. Qu’est-ce qu’être fille ou garçon ? Comment oser être qui on veut ? Comment soutenir le regard des autres ? Les deux adolescents vont tester ensemble les frontières de leur espace. Avec ce spectacle en forme d’ode à la différence et à la liberté, Cécile Backès poursuit son travail autour de l’intimité. Après Annie Ernaux, elle porte à la scène le texte franc et délicat de l’auteur québécois Olivier Sylvestre. Une pièce qui, à travers la question du genre, ouvre une réflexion plus large sur les normes dictées par notre société et sur la possibilité de s’inventer soi-même dans l’entre-deux, en-deçà d’une binarité imposée. Deux comédiens nous font entendre la force de cette écriture aux dialogues truffés d’humour, de complicité mais aussi de mots qui disent le malaise intérieur. Ce théâtre de parole est renforcé par la rythmique puissante d’une batterie. Celle-ci palpite comme le cœur de ces deux ados qui nous regardent avec intensité et nous invitent à défier avec eux les lois de la gravité.

Chambre 2

Dans le service maternité où elle travaille, Béatrice prend soin des corps mis à l’épreuve, des cœurs à vif, des âmes à reconstruire. D’une chambre à l’autre, elle reçoit de plein fouet ces histoires de femmes qui font écho à sa propre vie. Tout en suivant le rythme éreintant d’un hôpital à bout de souffle, elle va puiser la force d’un retour à soi et d’une renaissance. Catherine Vrignaud Cohen adapte le roman de Julie Bonnie au style haché et très sensuel, couronné en 2013 par le Prix du roman Fnac. Un récit choral sur la féminité, dont le fil rouge est le regard de Béatrice et le partage sensible de son monde intérieur. La metteure en scène réunit ces voix de femmes en une seule, dans un solo interprété par Anne Le Guernec. Entre puissance et vulnérabilité, la comédienne se dévoile, corps et voix, sur ce plateau nu qui l’enveloppe à la manière d’un cocon. L’écriture physique est comme une plongée dans l’immensité sensorielle de sa féminité. Un moment en état de grâce.

Nouvelles Pièces Courtes

Chez Philippe Decouflé, les chorégraphies sont habillées d’acrobaties, de costumes, de lumière, de musique live, de vidéo. Et les images qui foisonnent au plateau jouent malicieusement avec les règles de l’optique et la perception faussée des distances. De Vague Café à Nouvelles pièces courtes, en passant par Shazam!, le chorégraphe a signé depuis 1983 près de trente créations, et injecté son style inimitable sur les scènes du monde entier. On croise ici des corps désaccordés, des créatures siamoises, un ballet loufoque pour six paires de jambes, des parodies de music-hall, des impressions du Soleil Levant… La géométrie imprime ses formes partout : dans les costumes, les décors, les lignes et les volumes de la danse. Un spectacle débordant d’inventivité et de poésie, où la magie opère à chaque instant.

Borderline(s) Investigation #1

Peut-on stopper les pesticides, fongicides et autres machin-cides ? L’avenir de l’humanité a-t-il un lien avec l’extinction des vikings du Groenland en 1430 ? Quand l’ère de l’anthropocène prendra-t-elle fin? Quatre experts nous éclairent sur ces questions essentielles. Artiste et géographe, Frédéric Ferrer interroge les bouleversements du monde dans des spectacles mêlant réel et fiction, science et humour. Il nous propose ici un faux exposé sur les vraies limites de la croissance. Graphiques, images et vidéos d’actualité à l’appui, les interprètes ponctuent leurs analyses d’échappées poétiques et de jeux de rôles hilarants. L’absurde s’empare du plateau, sans jamais dénaturer la véracité du propos, ni basculer dans le pessimisme. Un tour de force qui fait de ce spectacle un divertissement nécessaire !

Gravité

Avec Gravité, Angelin Preljocaj défi e la pesanteur. Sur un plateau épuré habillé seulement de lumière, treize danseurs explorent avec virtuosité les notions de poids, masse, espace et vitesse. Concept à la fois abstrait et indubitablement concret pour les corps en mouvement, la gravitation ouvre au chorégraphe de nouveaux espaces d’écriture. De Bach à Daft Punk en passant par Philip Glass, les tableaux se succèdent, faisant alterner unissons puissants et pas de deux revisités. Dans sa nouvelle création, Preljocaj détourne en effet le vocabulaire classique, composant une pièce fascinante en forme de kaléidoscope vivant. Clou du spectacle, le tableau final offre une vision nouvelle et inattendue d’une des compositions les plus visitées de l’histoire de la danse : le Boléro de Ravel.

La Chute des anges

Ils sont sept, pris au piège d’un environnement absurde. Des humains en proie à leur propre mécanicité ? Des anges aux ailes brisées cherchant à retrouver l’état de grâce ? Avec le sourire ou le cœur serré, on les regarde s’élancer, chuter, essayer d’être ensemble, tenter de s’élever vers le ciel, vers la transcendance. Raphaëlle Boitel nous a enchantés en 2017 avec 5es Hurlants, spectacle où elle s’interrogeait sur l’équilibre. Elle nous invite ici à une réflexion profonde sur notre civilisation, sur ce qui nous unit ou nous sépare, et sur notre capacité à changer les choses. Elle y développe un langage chorégraphique virtuose, porté par des interprètes à la fois acrobates, danseurs, mimes, comédiens. L’écriture de la lumière, tout en contraste, déploie au plateau la puissance des grandes œuvres picturales.