Imaginez que vous receviez un coup de fil d’une anonyme et… qu’elle vous persuade de lui rendre visite en pleine nuit à l’autre bout de la ville. Ou bien que vos voisins partent en vacances, vous confient leurs clés et que vous entriez dans leur univers intime… Ou encore que votre femme vous présente un étrange ami aveugle et que vous vous mettiez à dessiner avec lui. Avec Short Stories, Sylvain Maurice adapte pour le théâtre six nouvelles parmi les plus accomplies et les plus célèbres de Raymond Carver (1938-1988). Le grand auteur américain est à la fois un dialoguiste hors pair, un chroniqueur inlassable du quotidien, un maître du suspens, un nouvelliste aussi affuté qu’Anton Tchekhov (auquel on le compare souvent). Ces « histoires courtes » ont toutes pour thème commun le couple. Carver observe avec curiosité, empathie et humour, cette alliance si singulière de deux êtres. Pour lui, le couple est une nécessité dont on ne peut s’affranchir, et qui plonge pourtant chaque partenaire dans la plus grande solitude. Dans une ronde infinie, il regarde ses personnages en proie aux petits et grands compromis du quotidien, sans juger.
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Evenements du CDN
Bartleby
Bartleby est le personnage le plus énigmatique de la littérature. Employé consciencieux d’un bureau de juristes new-yorkais, il se met subitement à répondre « Je préfèrerai pas » à toute demande. Son patron aura beau essayer de comprendre pourquoi, il se heurtera désormais à cette formule laconique. Cet homme qui s’efface du monde est le héros d’une nouvelle d’Herman Melville qui, en 1853, défie les lois de la logique et la psychologie des romans traditionnels. Un ovni précurseur de Beckett et de Kafka. Bartleby est-il une figure de résistance passive face à une bureaucratie déshumanisante ? En appelle-t-il à la désobéissance civile ? Nous susurre-t-il que la vie est une mascarade ? Rodolphe Dana et Katja Hunsinger portent à la scène le mystère abyssal de cet employé sorti du rang et la touchante humanité de ce patron s’évertuant à le ramener dans la norme et le camp des vivants. En duo avec Adrien Guiraud, qui incarne avec finesse la douceur inquiétante du héros, Rodolphe Dana met au jour la dimension émotionnelle de ce texte comique, absurde et pénétrant
Jazz Partage #02
Rêver sur les harmonies du jazz, puiser dans l’infinie richesse des musiques traditionnelles du Moyen-Orient, exulter avec l’énergie du rock : telle est la recette de Sarāb. Ce jeune groupe, dont le nom signifie « mirage » en arabe, a pour voix lead la chanteuse d’origine syrienne Climène Zarkan. Entourée de cinq musiciens aux influences multiples, elle fusionne dans une transe réjouissante les mélodies des poètes arabes et les textures sonores du jazz contemporain. Macha Gharibian, vocaliste habitée, nous plongera ensuite dans les couleurs profondes et aériennes de son troisième album. Des paysages sonores entêtants où s’entremêlent la tradition arménienne, le jazz, la soul et la pop. Elle livre ses tourments et exaltations, dans les nuances feutrées et déchirantes d’une voix qui capture toutes les émotions. Autour de ses claviers acoustique et électrique, la compositrice s’adjoint une section rythmique ensorcelante : Dré Pallemaerts à la batterie et Chris Jennings à la contrebasse.
Stallone
Un soir, Lise découvre Rocky 3, L’Œil du tigre de et avec Sylvester Stallone. L’histoire de ce boxeur, qui redevient champion du monde après s’être laissé aller, invite Lise à se ressaisir. À 25 ans, elle reprend ses études de médecine, quitte son ami et rompt avec sa famille. La nouvelle Stallone d’Emmanuèle Bernheim est le récit fulgurant de cette pulsion de vie retrouvée, sur fond de culture populaire des années 1980. Cinéaste et metteur en scène, Fabien Gorgeart adapte ce texte en tissant un lien inattendu entre littérature, cinéma et théâtre. Clotilde Hesme – la romantique Sylvia du Jeu de l’amour et du hasard, accueilli en 2019 – livre une performance à couper le souffle dans le rôle de cette héroïne attachante qui réinvente son existence sur le riff entêtant de la bande originale de Rocky. En complicité avec le comédien et musicien Pascal Sangla, elle parvient à restituer l’intensité d’une vie, rythmée de tous ces détails et basculements infimes qui finissent par forger un destin.
Les Fouberies de Scapin
Les Fourberies de Scapin met en scène deux jeunes gens qui doivent braver l’autorité de leurs pères pour pouvoir épouser celles qu’ils aiment. Ils triompheront grâce à Scapin, un valet rusé prêt à inventer les stratagèmes les plus invraisemblables pour les aider. Fantaisiste, fougueuse, féroce : cette farce porte en elle une énergie explosive dont Tigran Mekhitarian préserve la sève et l’esprit, tout en y injectant les mots, l’humour et les préoccupations de la jeunesse contemporaine. Autour d’un Scapin charismatique dans son blouson noir, la bande de jeunes évolue dans un squat, à la fois refuge, lieu d’errance et des premiers émois amoureux. Les dialogues du texte original sont ponctués d’apartés, d’improvisations et de morceaux de rap interprétés en direct. Avec beaucoup de liberté et une pointe d’insolence, le metteur en scène incorpore la verve et l’argot d’aujourd’hui à la prose de Molière et fait* des détours par les pensées intérieures des personnages. Les neuf comédiens, tous épatants, portent au pas de charge cette version décomplexée et généreuse.
Jazz partage #01
On se laissera d’abord aspirer vers les Nouveaux Mondes de Samuel Strouk, terres de rencontre du jazz et de la musique « classique », de la syncope et du rubato. Le compositeur-interprète, qui réunit sur scène un quatuor à cordes et un trio guitare-basse-batterie, nous propose une expérience inédite où la sensation d’une musique symphonique côtoie la puissance d’une section rythmique propre au jazz. Un dialogue captivant à la croisée des chemins, entre écriture et improvisation. Théo Ceccaldi, l’un des solistes les plus demandés de la scène européenne, glissera ensuite son violon dans l’ombre immense de Django Reinhardt. Il lui offre un hommage amoureusement resongé et réinventé, dans une orchestration doucement déviante par rapport aux canons de la tradition : violon, guitare amplifiée et violoncelle. Entre compositions originales « sous influences » et grands classiques du génial guitariste manouche, son trio clora la soirée dans une liberté électrisante.
La loi de la gravité
Dom et Fred ont 14 ans. Chacun des deux hésite sur son genre. Qu’est-ce qu’être fille ou garçon ? Comment oser être qui on veut ? Comment soutenir le regard des autres ? Les deux adolescents vont tester ensemble les frontières de leur espace. Avec ce spectacle en forme d’ode à la différence et à la liberté, Cécile Backès poursuit son travail autour de l’intimité. Après Annie Ernaux, elle porte à la scène le texte franc et délicat de l’auteur québécois Olivier Sylvestre. Une pièce qui, à travers la question du genre, ouvre une réflexion plus large sur les normes dictées par notre société et sur la possibilité de s’inventer soi-même dans l’entre-deux, en-deçà d’une binarité imposée. Deux comédiens nous font entendre la force de cette écriture aux dialogues truffés d’humour, de complicité mais aussi de mots qui disent le malaise intérieur. Ce théâtre de parole est renforcé par la rythmique puissante d’une batterie. Celle-ci palpite comme le cœur de ces deux ados qui nous regardent avec intensité et nous invitent à défier avec eux les lois de la gravité.
Chambre 2
Dans le service maternité où elle travaille, Béatrice prend soin des corps mis à l’épreuve, des cœurs à vif, des âmes à reconstruire. D’une chambre à l’autre, elle reçoit de plein fouet ces histoires de femmes qui font écho à sa propre vie. Tout en suivant le rythme éreintant d’un hôpital à bout de souffle, elle va puiser la force d’un retour à soi et d’une renaissance. Catherine Vrignaud Cohen adapte le roman de Julie Bonnie au style haché et très sensuel, couronné en 2013 par le Prix du roman Fnac. Un récit choral sur la féminité, dont le fil rouge est le regard de Béatrice et le partage sensible de son monde intérieur. La metteure en scène réunit ces voix de femmes en une seule, dans un solo interprété par Anne Le Guernec. Entre puissance et vulnérabilité, la comédienne se dévoile, corps et voix, sur ce plateau nu qui l’enveloppe à la manière d’un cocon. L’écriture physique est comme une plongée dans l’immensité sensorielle de sa féminité. Un moment en état de grâce.
Nouvelles Pièces Courtes
Chez Philippe Decouflé, les chorégraphies sont habillées d’acrobaties, de costumes, de lumière, de musique live, de vidéo. Et les images qui foisonnent au plateau jouent malicieusement avec les règles de l’optique et la perception faussée des distances. De Vague Café à Nouvelles pièces courtes, en passant par Shazam!, le chorégraphe a signé depuis 1983 près de trente créations, et injecté son style inimitable sur les scènes du monde entier. On croise ici des corps désaccordés, des créatures siamoises, un ballet loufoque pour six paires de jambes, des parodies de music-hall, des impressions du Soleil Levant… La géométrie imprime ses formes partout : dans les costumes, les décors, les lignes et les volumes de la danse. Un spectacle débordant d’inventivité et de poésie, où la magie opère à chaque instant.
Borderline(s) Investigation #1
Peut-on stopper les pesticides, fongicides et autres machin-cides ? L’avenir de l’humanité a-t-il un lien avec l’extinction des vikings du Groenland en 1430 ? Quand l’ère de l’anthropocène prendra-t-elle fin? Quatre experts nous éclairent sur ces questions essentielles. Artiste et géographe, Frédéric Ferrer interroge les bouleversements du monde dans des spectacles mêlant réel et fiction, science et humour. Il nous propose ici un faux exposé sur les vraies limites de la croissance. Graphiques, images et vidéos d’actualité à l’appui, les interprètes ponctuent leurs analyses d’échappées poétiques et de jeux de rôles hilarants. L’absurde s’empare du plateau, sans jamais dénaturer la véracité du propos, ni basculer dans le pessimisme. Un tour de force qui fait de ce spectacle un divertissement nécessaire !