Mais qui est donc Carcasse, personnage aussi fragile qu’obstiné ? Il se tient debout sur un seuil qu’il voudrait franchir et ne sait pas comment. Avide d’humanité, riche de désirs, de craintes et de refus, il nous ressemble étrangement… Reliant théâtre, marionnettes et arts plastiques, Bérangère Vantusso s’empare de la langue douce et intense de Mariette Navarro, récompensée en 2012 par le Prix Robert-Walser. Manipulant une série de tiges de bois, les interprètes traversent le texte à la manière des récitants du théâtre de marionnettes japonais. Par traits et mouvements successifs, ils produisent des images fugaces de ce héros, distillant sa présence sans l’incarner. Tour à tour personnage, décor, sentiment, vision intérieure : Carcasse nous échappe pour mieux nous saisir, de sa voix singulière et inspirante.
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Evenements du CDN
Optraken
Avant qu’Optraken ne commence, c’est un véritable paysage d’objets suspendus qui attire l’œil et éveille la curiosité. Et voilà que tout se met en branle : des sacs de farine et des plaques de plâtre tombent du ciel, des balles de tennis jaillissent de toutes parts, des chaises se dérobent… Dans un capharnaüm ludique et poétique, les corps échappent sans cesse à la grande valse des objets. Grâce à des trésors d’inventivité technique, les actions les plus simples se muent en douce folie. Les cinq acrobates de haut vol du Galaktik Ensemble signent un premier spectacle trépidant, sorte de manuel de survie dans un environnement hostile. Avec eux, le geste acrobatique devient une capacité à éprouver l’imprévisible et une intelligence propice à s’organiser de manière solidaire pour résister aux chocs.
La Nuit des rois
En 1602, Shakespeare composait une comédie étonnamment transgressive. La Nuit des rois, référence à la douzième nuit après Noël durant laquelle tous les dérèglements sont permis, met en scène neuf personnages hauts en couleurs que les quiproquos et les travestissements mettent sens dessus dessous. Le mélancolique duc Orsino aime l’austère comtesse Olivia, qui bientôt tombe sous le charme du page Césario… qui n’est autre que la jeune Viola déguisée en garçon. Les malentendus et la duperie font voler en éclats la bienséance et révèlent les affres du désir, au-delà de l’âge et du genre. Avec une troupe d’acteurs pétulants et brillants, Clément Poirée tisse avec adresse le grotesque, le burlesque et le loufoque pour nous mener vers des contrées carnavalesques et joyeuses.
Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner
Seine-Saint-Denis, foyer d’accueil d’urgence pour mineurs de 13 à 17 ans. Un petit monde où les coups et les insultes sont l’unique condition de survie. Arrive une actrice, qui veut les initier au théâtre… Jean-Louis Martinelli a pour projet d’aider à faire naître un répertoire contemporain, en donnant la parole à ceux que l’on n’entend pas assez, ceux que l’on ne veut pas voir. Avec Christine Citti, il compose une pièce puissante et vitale, inspirée des rencontres entre la comédienne et les adolescents en grande précarité de ces foyers. Christine Citti les a longtemps regardés et écoutés avant de s’autoriser à écrire. Ses mots, entre récit de vies et fiction, résonnent sur le plateau presque nu, portés par une jeune troupe de comédiens étonnants.
Tamao
Tamao est une tortue sous-marine qui sort de son œuf et, bientôt, commence à explorer le vaste monde des océans. Un requin gourmand, une étoile de mer scintillante, une méduse à la nage rapide : elle croise tous les habitants de son écosystème jusqu’à rencontrer… le grand amour ! Alors elle revient sur la plage de son enfance, pour elle même donner naissance à des bébés tortues. Dans ce ciné-concert imaginé pour les plus petits, un film d’animation en papier découpé rencontre l’art du bruitage en direct. Sur le plateau, deux comédiennes racontent les aventures de Tamao en musique et en chansons, grâce à un clavier et à d’abracadabrants instruments aquatiques inventés pour l’occasion. En forme de voyage initiatique et poétique, cette création évoque la joyeuse histoire du cycle de la vie.
Lobby
Ils ont posé leurs valises dans le monde entier, enchaînant les tournées et les concours. Pas étonnant que les huit danseurs virtuoses de la compagnie Tie Break aient choisi comme source d’inspiration le hall d’un hôtel. Concierges affairés, grooms maladroits, clients exigeants : le ballet effréné de ce petit monde est propice à l’invention de saynètes et de performances acrobatiques rivalisant d’audace et d’humour. Aux commandes de ce spectacle revigorant, on reconnaît quatre anciens breakers des Pokemon Crew, groupe de battle le plus titré au monde. Associant les prouesses du hip-hop au théâtre, au nouveau cirque et à la comédie musicale, leur jeune compagnie tient toutes ses promesses : utiliser la danse pour nous divertir et partager son message positif.
Qui a tué mon père
Dans En finir avec Eddy Bellegueule, premier livre traduit en vingt langues, Édouard Louis racontait sa jeunesse en tant que gay né dans un village et destiné à finir à l’usine. Pour son troisième opus, l’auteur a répondu à l’invitation que lui a faite Stanislas Nordey d’écrire pour la scène. Creusant le sillon d’une écriture où sentiments personnels et histoire sociétale s’entrelacent, il choisit d’évoquer son père. De ses premiers souvenirs avec lui jusqu’à sa « mort sociale », il se penche sur l’histoire de cet homme à bout de souffle, tout en décryptant les mécanismes de domination qui broient les êtres et les relations. Stanislas Nordey interprète, de son phrasé intense, le regard et la parole de ce fi ls sur son père. Un monologue puissant entre amour et révolte, intimité murmurée et ferveur du discours politique.
Hansel et Gretel
L’histoire bien connue d’Hansel et Gretel rapportée par les frères Grimm est ici transposée dans les années 1970. Ce n’est plus un pauvre bûcheron qui sème ses enfants dans les bois mais un fi ls qui, contraint par la crise économique, décide d’abandonner ses vieux parents au cœur de la forêt. Dans une version moderne et joyeusement décalée qui interroge notre rapport aux personnes âgées, Samuel Hercule et Métilde Weyergans composent un ciné-spectacle réjouissant où sons, voix et musique sont effectués en direct sur le plateau. Au service d’un art du bruitage parfaitement maîtrisé, huche à pain, batteur à œufs ou encore sacs plastiques deviennent les acteurs d’un spectacle qui sait ménager les effets de surprise… puisque même l’odorat des spectateurs sera mis à contribution !
Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été
Lilas est née en France mais ses racines la relient à l’Algérie. Malade, elle décide de plonger dans le passé, de renouer avec ces origines dont elle sait si peu, comme pour tenter de conjurer cet avenir qu’elle ne connaîtra sans doute pas. Bientôt, elle découvre que son grand-père, footballeur professionnel, arrière gauche à l’OM, remportait la Coupe de France en 1938! Alors, d’abord par le prisme du football puis par celui de la langue et de la musique, elle s’engage dans une quête intime qui mêle héritage familial et histoire coloniale, malgré les réticences de son frère Harwan, peu enclin à se pencher avec elle sur la question. Avec délicatesse et simplicité, la jeune auteure et metteure en scène Anaïs Allais conte sa propre recherche, à la lisière de la petite et de la grande histoire.
Le Malade imaginaire
En 1673, Molière compose sa dernière pièce. Souffrant d’une grave fluxion de poitrine, il interprète lui-même le rôle d’Argan le bien portant, convaincu d’être malade, comme pour conjurer sa propre mort par le rire et la parodie. Il sera emporté à l’issue de la quatrième représentation. En 2001, Claude Stratz réinvente pour la troupe des Comédiens-Français cette partition mythique, lui offrant une mise en scène spectaculaire. La farce y est interprétée dans la forme imaginée par l’auteur: entrecoupée d’intermèdes carnavalesques chantés et dansés. Sur le grand plateau, treize comédiens et quatre musiciens nous font revivre cette version éclatante. Aux côtés de Guillaume Gallienne, qui se glisse pour la première fois dans le rôle d’Argan, la troupe du Français ravive cette langue oscillant entre fantaisie, satire et mélancolie. On y entend résonner les dernières confidences d’un génie.