L’histoire de ces coquelicots, je l’ai découverte en arrivant à Montréal quand Saïd est venu me récupérer à l’aéroport. Après quelques minutes d’une conversation où l’anglais se mêlait au français, j’ai osé lui demander la signification de ce coquelicot qu’il arborait fièrement à la boutonnière. « Ces fleurs portées par tant de gens dans la rue commémorent la mémoire des Canadiens tombés pour la libération de l’Europe… – Mais tu es né en Syrie et tu vis au Canada depuis seulement dix-sept ans ! – C’est vrai, mais mes enfants sont tous nés au Canada, alors si je ne suis pas un Canadien du passé, je suis un Canadien du futur. » Je restai muet, méditant cette évidence. Si les Français·es ne sont pas tous des Français·es du passé, ils et elles sont tous des Français·es du futur.
Autour de cette idée, nous vous invitons à livrer vos témoignages, lors d’ateliers à la croisée des pratiques artistiques, que je co-animerai avec l’auteur et metteur en scène Ahmed Madani. Une restitution sera présentée au public à l’occasion de l’événement « Il va y avoir du sport ! ».
Abdelwaheb Sefsaf
Après Le Syndrome du banc de touche, Léa Girardet et Julie Bertin poursuivent leur investigation sur la place des femmes dans le monde du sport à travers l’histoire de l’athlète sud-africaine Caster Semenya. Médaille d’or des championnats du monde d’athlétisme de Berlin en 2009, la jeune femme, alors âgée de 19 ans, se vit imposer un test de féminité. Déclarée « intersexe », elle dut subir un traitement hormonal pour pouvoir revenir à la compétition. Le combat judiciaire de Caster Semenya jusqu’à la Cour européenne des Droits de l’homme, et à travers elle celui de toutes les femmes ne répondant pas aux normes de genre, est le fil conducteur de cette pièce écrite au plateau avec quatre comédiennes vitaminées. Campant tous·tes les protagonistes de cette histoire, elles mettent ici en accusation le sexisme autant que le néo-colonialisme. Que l’entre-soi sportif se soit construit dès l’origine sur l’exclusion des femmes, on le savait, mais il doit désormais compter avec leur révolte et leur affirmation de sujet libre.
Une petite fille voit défiler dans sa tête des créatures étranges avec lesquelles elle improvise des jeux et se raconte des histoires incroyables. Elle les dessine et rêve de voir ses personnages s’animer et sortir de sa feuille, prendre le large. Dans cette pièce chorégraphique son rêve devient réalité. À partir des dessins conçus par la plasticienne Françoise Pétrovitch, le chorégraphe et directeur du Ballet du Nord Sylvain Groud compose, avec deux danseuses et un danseur, ainsi que le vidéaste et musicien Hervé Plumet, une pièce sur la métamorphose qui invite les enfants à sortir de tous les cadres et à transgresser les normes.
Dans ce dialogue inédit entre des artistes de différents univers, qui explorent les frontières entre la réalité et l’imaginaire, le rêve et le cauchemar, le visible et l’invisible, nous sommes tous invité·es à réveiller la part d’enfance qui sommeille en chacun·e de nous. Une expérience sensible du geste poétique et dansé à partager en famille.
Elle a parcouru tous les chemins du monde : des morros de Rio de Janeiro, aux rues pavées de Paris, Flavia Coelho est chez elle là où elle se sent accueillie. Depuis son arrivée en France en 2006, elle a rempli un Olympia et tourné partout, de l’Afrique au Canada en passant par l’Europe et l’Inde. Chaque fois, cette Carioca dans l’âme rapporte avec elle des sons, des couleurs et des envies… Mixer pop, samba, reggae, forro, bossa et hip-hop ? Tout est possible pour cette artiste complète ! Bouclier à la morosité actuelle, véritable kaléidoscope rythmique et musical, sa musique nous transporte aux quatre coins du monde.
Après quatre albums et de nombreuses collaborations – avec Ibrahim Maalouf, TéTé, Gaël Faye –, Flavia Coelho revient plus inspirée que jamais, avec un nouvel album studio, prête à faire vibrer les cœurs et les corps. Une soirée festive, explosive et mémorable à ne pas manquer.
En première partie, découvrez l’électro-tropicale de Luiza, une jeune artiste qui transporte nos esprits de sa voix magique, distillant au passage un savant mélange, de musique traditionnelles (Brésil, Réunion, Balkans) et de grooves urbains (Électro-pop,dub…).
Une langue existe-t-elle dans le corps même si on ne peut pas la parler ? Et avec elle tout son ancrage socio-politique ? C’est la question qui mine Leila, d’origine irakienne, à qui sa mère n’a pas voulu apprendre l’arabe. Lorsqu’elle se met en couple avec Julien, photographe de guerre, son histoire d’amour va vite trébucher sur de l’incommunication et de la désillusion.
Dans Istiqlal (« Indépendance » en arabe), Tamara Al Saadi poursuit sa recherche sur ce que l’on ne voit pas dans les intimités et les interactions sociales mais qui peut être rendu visible sur scène. Elle décompose et recompose la narration, entrelace ou explose les espaces et les temporalités, assure ou déstabilise ses personnages. Cet amour frictionnel devient ainsi la métaphore de la relation entre Orient et Occident, anciens colonisateurs et colonisés, masculin et féminin. Leila est traversée par les figures féminines de sa famille, une transmission transgénérationnelle qui se révèle autant une entrave qu’une force libératrice. Sur scène, des comédiennes et femmes puissantes qui enchantent.
Assassiné le 15 mars 1962 par un commando de l’OAS, l’écrivain algérien Mouloud Feraoun n’aura pas connu l’indépendance de son pays, proclamée le jour même de ses obsèques. Il laisse un journal passionnant, écrit pratiquement durant toute la guerre (de 1955 à 1962). Celui-ci a bouleversé toutes les personnes qui l’ont lu. Avec Divorce sans mariage, le metteur en scène Walid Bouchebbah porte au théâtre ce témoignage exceptionnel qui condamne radicalement la violence aveugle, et notamment celle du FLN, mais surtout celle de la colonisation et revendique « le droit à la légitime défense des opprimés devant les oppresseurs… » La pièce est une succession de tableaux qui restituent la vie quotidienne du peuple algérien, dans toutes ses figures, héroïques ou martyrisées, et affirme : « La vérité c’est qu’il n’y a pas eu mariage… Les Français sont restés étrangers ». Elle est interprétée par les comédiens Fodil Assoul, Mourad Oujite et le musicien Farouk Boutajine, tous formés au prestigieux Institut supérieur des arts dramatiques d’Alger.
Comment parler de politique aux enfants ? Comment leur expliquer la démocratie élective, la citoyenneté ? Ce qu’est la République ou la laïcité ? Émilie Capliez s’y frotte avec l’auteur Boris Le Roy, qui a réécrit au féminin, en l’adaptant à notre époque, son roman jeunesse Quand j’étais petit je voterai, paru en 2007. Dans cette nouvelle version, Lune, jeune fille brillante et militante, devient l’héroïne et entend bien changer le monde et ses règles.
En transposant toutes ces interrogations dans un décor de salle de classe où des élèves vont se présenter à l’élection de leurs délégué·es, les jeunes spectateurs vont être initiés à la question du pouvoir et de la représentativité et, par extension, à la définition du suffrage universel, de la Constitution ou de l’État. Sans oublier le 49.3. Des notions souvent mystérieuses et abstraites débattues au plateau avec sérieux mais aussi sous des formes ludiques et drôles, dans le déroulement d’une journée menée tambour battant. Trois jeunes comédien·nes se partagent tous les rôles de ce récit initiatique stimulant, où la musique live a une place de choix !
On sait qu’Ulysse quitta son royaume d’Ithaque laissant Pénélope à son attente et à ses broderies… Mais Télémaque, son fils, comment grandit-il et se construit-il sans figure paternelle ? Comment vit-il la si longue absence et le manque d’un père dont les exploits lui sont contés ? Marion Aubert et Marion Guerrero se penchent sur cette problématique existentielle à partir d’un autre point de vue sur le héros de la mythologie grecque. Un chœur d’enfants orphelins, dont les pères marins s’en sont aussi allés, vont venir rejoindre Télémaque et, avec la toute jeune Athéna, déesse de la guerre, reconstituer l’épopée depuis leur regard. Faire entendre leur douleur et, peut-être, exorciser leur colère.
Dans une forme interactive et bi frontale, un désir d’immersion et de proximité, Marion Guerrero fait de L’Odyssée un spectacle rock fantastique et drôle où peuvent se reconnaitre les enfants d’aujourd’hui. Dans son jeu rythmé, avec guitare électrique, basse, samples, la pièce devient une véritable aventure à partager en famille.
Marion Aubert a reçu le prix SACD Théâtre en 2023.
Face à face, deux drôles de silhouettes s’observent. La tête emboîtée dans des cubes noirs, elles font défiler sous leur craie un ciel étoilé, une ville en noir et blanc, un oiseau coloré ou des visages aux multiples émotions… Les images se transforment, accompagnées de voix amplifiées et d’effets sonores, de gestes précis, signifiants. Sous les cubes, Justine Macadoux et Coralie Maniez défient les lois géométriques dans cette magnifique performance d’échange non verbal et pourtant poétique, animé et graphique, qui offre une infinité de lectures pour petits et grands. À la frontière entre le théâtre d’objet, les arts plastiques et le mime, c’est tout un univers qui se dessine, se devine et parfois s’efface, pour mieux s’inventer.
Ils et elles sont né·es bien après les indépendances, mais pour les comédien·nes de la compagnie Nova et les deux autrices et metteuse en scène, Alice Carré et Margaux Eskenazi, la colonisation reste la clé de lecture du racisme d’État toujours prégnant aujourd’hui en France. Et le coeur fume encore (titre emprunté à un vers de Kateb Yacine) parcourt l’histoire de la domination de l’Algérie et de sa lutte de libération en donnant la parole à une foule de protagonistes, parole portée ou recueillie par leurs enfants ou petits-enfants.
À travers plusieurs histoires de vie, dans des allers-retours entre passé et présent, la pièce traverse les évènements et dates clés de cette période : massacre de Sétif en 1945, bataille d’Alger en 1957, 17 octobre 1961, indépendance en 1962… et en interroge les répercussions mises au jour par la marche pour l’égalité et contre le racisme de 2001. Acteurs et actrices jouent tout type de rôle, incarnant un personnage « non pour sa couleur ou son sexe » mais pour sa crédibilité dans « une tentative de décoloniser et dégenrer les imaginaires ». Un spectacle coup de poing qui a reçu un accueil impressionnant tout au long de sa tournée nationale.